Une âme éperdue
Une âme éperdue
Février 2003. Une chambre d'hôpital triste: des murs blancs et déserts, une lampe qui pend au milieu du plafond, deux lits en fer et couverts de vieux draps jaunis, deux tables de chevet débordant de drogues inefficaces. Un vieillard tourmenté, malade de cancer est alité. Ses yeux remplis d'effroi regardent dans le vide. Le délicat vers de Baudelaire, " Sois sage ô ma douleur et tiens toi plus tranquille", l'aiderait-il, comme une prière, à surmonter sa souffrance? Pense-t-il à son collègue de chambre qui s'est éteint cette nuit, vaincu par la mort dont l'odeur acre est encore présente?
Emue, je le regarde. C'est mon père!
A travers la grande croisée, s'offre soudainement, à mes yeux étonnés, un spectacle féerique. De gracieux flocons voltigent joyeusement dans l'air, animés par une bise fantasque. L'hiver tisse imperceptiblement, un suaire de neige infini, pur, froid, éphémère , immense lamé d'argent qui ensevelit le monde. Tout est blanc: les maisons se sont métamorphosées en fantômes qui semblent descendre lentement vers la ville, suivis du cortège des arbres cristallisés.
Tableau: Le cri de Munch