La pièce de théâtre : repères historiques, caractéristiques

Scène des Femmes savantes de Molière

Le terme de "théâtre" vient du grec theatron et signifie "le lieu où l'on regarde". Le théâtre est avant tout un espace de spectacle. Né dans l'Antiquité grecque, il est devenu un genre littéraire .

I. Repères historiques

1) Le théâtre antique

*Le théâtre grec

Les tragédies et les comédies grecques, dont la représentation remonte aux VIe et Ve siècles avant J.-C., ont une origine religieuse, liée au culte de Dionysos.

Ces représentations ont lieu lors des fêtes organisées par l'Etat. Le lieu de ces représentations est un édifice à ciel ouvert, pouvant accueillir un public nombreux. A l'époque, tous les rôles sont tenus par des hommes, portant des masques. Les pièces grecques se composent de 4 moments: un prologue, ensuite l'entrée du choeur, suivie d' épisodes coupés par des chants du choeur, enfin la sortie du choeur.

Eschyle, Sophocle , Euripide sont les plus célèbres auteurs tragiques et Aristophane auteur des comédies.

*Le théâtre romain

Comme à Athènes, le théâtre romain a une dimension religieuse: les représentations sont liées au culte de Bacchus. Comme à Athènes également, la dimension politique est présente, puisque le théâtre se joue lors des jeux, ou lors des cérémonies importantes réunissant le peuple. Le chant, la danse, la musique accompagnent encore le texte- le théâtre est un spectacle total. Les masques sont toujours présents.

Plaute et Térence ont écrit de nombreuses comédies, dont Molière a pu s'inspirer parfois.

2) Le Moyen Age et la Renaissance en France

Le théâtre à la manière antique disparaît d'Occident durant le premier millénaire. Il renaît dans les nefs des églises. On peut répartir alors les pièces de théâtre en deux "genres": les miracles( représentant la vie des saints- et les mystères ( représentant la Passion du Christ). Des intermèdes profanes ( les farces) viennent "farcir" ces grands drames religieux à vocation didactique et prennent peu à peu leur indépendance. A partir du XIIIe siècle , les farces sont jouées sur des estrades en plein air. De ces farces sortira la comédie.

La Farce de Maître Pathelin, du XVe siècle est la première véritable comédie.

Au XVIe siècle , en France les mystères sont interdits par l'Eglise. En Italie se pratique la comedia dell'arte . Les acteurs jouent masqués et improvisent à partir d'un canevas. Les personnages comme Arlequin ou Pantalon, sont repris par les auteurs français ( Molière, Marivaux).

A la fin du XVIe siècle, naît la tragicomédie. Elle est caractéristique de l'époque baroque et mélange des éléments de la comédie et de la tragédie.

3)  Le XVIIe siècle: le siècle du théâtre

Le XVIIe siècle voit s'amorcer plusieurs nouveautés: en 1630 , le théâtre est reconnu comme art officiel par Richelieu, les femmes peuvent monter sur scène; plus tard, Louis XIV agira en mécène. Cependant le clergé est hostile au théâtre et considèrent que les comédiens doivent être excommuniés.

Dans ce siècle dominé par le classicisme, la distinction entre les genres théâtraux est nette: la tragédie et la comédie ont des caractéristiques propres, qu'un auteur se doit de respecter (il existe cependant quelques formes mêlées: Le Cid de Corneille est une tragicomédie)

.Les caractéristiques d'une tragédie: personnages nobles;  sujet= pouvoir, politique, amour (sphère publique);  cinq actes;  registre et dénouement tragiques;  unité de lieu, de temps et d'action.

Le but de la tragédie est moins de corriger les moeurs que de purifier les âmes :la tragédie doit inspirer au spectateur la terreur et la pitié , deux sentiments permettant de réaliser la catharsis , c'est-à-dire la purgation des passions.

Les caractéristiques d'une comédie : personnages de bourgeois;sujet=famille, vie sociale,argent, amour (sphère privée); forme assez libre ( vers ou prose); registre comique et fin heureuse; unité de lieu, de temps et d'action.

La fonction de divertissement de la comédie se double souvent d'une fonction didactique. Depuis l'Antiquité, la comédie cherche à corriger les moeurs par le rire.

Et les procédés du comique sont:

-le comique de situation (circonstances inattendues, cocasses)

-le comique de mots par le jeu sur les mots ( calembours, déformation du langage)

-le comique de caractère par l'accentuation des défauts ( caricature)

-la répétition mécanique de paroles ou des situations

- le décalage entre différents éléments ( quiproquos, ironie)

La règle dite des "trois unités" impose que le sujet traité ait lieu en 24 heures, se passe dans un seul lieu et soit uni par une cohérence forte. On doit observer la règle de bienséance: pas de sang ni d'événements  choquants sur scène.

Les auteurs les plus célèbres de ce siècle sont Molière pour la comédie, Corneille et Racine pour la tragédie.

4) Le XVIIIe siècle: théâtre et Lumières

Les "unités", reconnues comme essentielles au XVIIe siècle, apparaissent peu à peu comme des carcans dont les auteurs cherchent à se défaire. De plus, les philosophes des Lumières prennent parti contre le clergé et son attitude autoritaire envers le théâtre.  Voltaire et Diderot soutiennent l'idée selon laquelle la représentation des vices et des vertus peut "éclairer les hommes".

Le XVIIIe siècle est l'époque des comédies de moeurs , comme Le jeu de l'amour et du hasard de Marivaux (1730) ou Le Mariage de Figaro de Beaumarchais (1784).

Le langage de Marivaux retranscrit les moments de séduction entre les héros, et les interrogations des personnages sur leurs propres sentiments: c'est le " marivaudage". Beaumarchais donne au personnage du valet une importance cruciale: il est porteur de revendications de justice et d'égalité sociales.

5)  Le XIX e siècle: le refus des "cages"

Au XIXe siècle , les règles du XVIIe siècle (les unités, la bienséance) sont abandonnées.

Le nouveau genre , le drame romantique, mélangeant les genres de tragédie et de comédie, les registres,  est théorisé par Victor Hugo dans la préface de Cromwell (1827). Ses sujets sont tirés de l'Histoire. Le premier drame romantique , Hernani de Hugo, , représenté en 1830 a créé un véritable scandale.

Selon Victor Hugo, le théâtre doit devenir le lieu d'un débat d'idées. Il s'agit du théâtre engagé, il doit servir une cause. Le dramaturge doit, comme le professeur dans sa chaire, délivrer un message sur le monde.

Alfred de Musset, autre auteur romantique, se distingue en ce qu'il renonce vite à faire représenter ses pièces. Il écrit des drames romantiques (Comme Lorenzaccio) ou des drames et comédies en prose difficiles à mettre en scène. Le théâtre de Musset est fait pour être lu.

6) Le XX e siècle

Au XXe siècle, le théâtre emprunte diverses voies.

* Certains auteurs comme Feydeau, Eugène Labiche, Courteline, poursuivent dans la veine de la comédie de moeurs. Ils écrivent des vaudevilles . Il s'agit d'intrigues amoureuses, très dynamiques, où il est question d'adultère, de quiproquos.

*  Apparaît simultanément un théâtre de la "subversion": Alfred Jarry, avec Ubu roi, présente une pièce faite pour choquer (la première réplique est un "Merdre!" ). Dans une certaine proximité avec le surréalisme, ce  théâtre rejette toute psychologie des personnages pour préférer une représentation brute, presque abstraite de l'homme.

* Le théâtre de l'absurde , représenté par Eugène Ionesco (La cantatrice chauve, 1950) et Samuel Beckett (En attendant Godot, 1953), pousse la comédie et le jeu sur le langage jusqu'au ridicule et au nonsens pour montrer l'impossible communication entre les êtres.

* Enfin, la première moitié du XXe siècle voit un retour du tragique: Jean Cocteau, Jean Anouilh, Jean Giraudoux reprennent des mythes antiques  celui d'Oedipe, d'Antigone, d'Electre.  Il s'agit de les actualiser, car après la guerre, le monde a changé et les dramaturges s'interrogent sur les valeurs essentielles de l'homme. 

Au XXe siècle, le théâtre est souvent le lieu d'une réflexion politique: Sartre dans Les mains sales (1948) s'interroge sur la violence comme moyen d'action au service de l'idéal communiste. Certains dramaturges, comme Ionesco,  refuse l'idée de théâtre engagé.

II. La pièce de théâtre : caractéristiques

La pièce de théâtre est un genre littéraire particulier. Toute pièce de théâtre est destinée, généralement,  à être représentée sur scène.Donc, étudier une pièce de théâtre revient à étudier le texte théâtral ( ses caractéristiques) et la représentation (ses caractéristiques).

1)  Le texte théâtral

Caractéristiques:

* Les répliques sont les paroles prononcées par les personnages. Il peut s'agir de dialogue, de  tirade ( une longue réplique), de  stichomythie ( échange de courtes répliques), de monologue, et d'aparté.

* Le monologue est une réplique prononcée par un personnage seul sur scène; il dévoile au public ses pensées et sentiments.

*L'aparté est une réplique adressée par un personnage au public afin de l'éclairer sur ses intentions et réflexions.

* Les répliques fonctionnent à deux niveaux:

-à un premier niveau, lors des dialogues, des tirades et des sthicomythies, les personnages parlent entre eux sans tenir compte du public

-à un second niveau, lors des apartés ou des monologues , le personnage, porte parole du dramaturge , s'adresse au public.

Il y a donc deux émetteurs : le personnage et le dramaturge et deux destinataires: le personnage et le spectateur.

On appelle cette particularité au théâtre , la double énonciation. Ainsi on dit qu'un personnage sur scène parle en double énonciation quand il interompt le dialogue,  avec un aparté,  pour parler au public ou  lors d'un monologue quand le personnage dévoile au public ses sentiments et ses pensées.

La double énonciation permet au dramaturge de jouer sur les décalages d'information entre les personnages et le public. Parfois le public en sait plus que les personnages et comprend la scène différemment.

* L'objectif du dramaturge ( et du metteur en scène) est de donner au spectateur l'impression que l'histoire est réelle et de lui faire oublier qu'il est dans une salle de théâtre: c'est ce qu'on nomme l'illusion théâtrale.

L'illusion théâtrale est brisée lors d'un aparté . Les effets de mise en abyme ou du théâtre dans le théâtre, peuvent aussi rompre l'illusion théâtrale.

Le théâtre de l'absurde ne cherche plus à représenter le réel mais plutôt les doutes et les angoisses de l'homme. L'illusion théâtrale y est brisée , aussi.

Rappel:

1° L'énonciation est l'acte de produire un énoncé .

2° L'énoncé est le message oral ou écrit qu'un locuteur fait passer à un destinataire. Pour le comprendre il faut connaître la situation d'énonciation.

3° La situation d'énonciation est l'ensemble des circonstances dans lequels un énoncé a été produit: qui parle? (locuteur); A qui ? (destinataire); de quoi? ; Quand? ; où?

* Les didascalies sont des indications qui ne sont pas dites par les acteurs , mais constituent des directives pour la mise en scène: description du décor au début de l'acte, précisions sur le ton d'une réplique, les gestes, les attitudes, les déplacements sur la scène ou les costumes d'un personnage. 

Leur typographie est différente de celle des répliques. La didascalie initiale donne la liste des personnages.

*La structure formelle

Le texte théâtral est découpé en actes et les actes en scènes qui marquent les entrées et les sorties des personnages de la scène.

*La structure du fond. Le schéma théâtral

Dans une pièce de théâtre , il n'y a pas de narrateur qui raconte les faits. Ce sont les personnages qui racontent leur histoire. La pièce progresse selon un schéma théâtral ( équivalent du schéma narratif). composé de 4 parties:

-l'exposition( informe le spectateur sur l'identité des personnages et sur la situation initiale).

-le noeud de l'intrigue se forme au moment où l'on apprend l'objectif des personnages et les obstacles qu'ils devront surmonter.

-les péripéties sont les événements qui se produisent au cours de la pièce et font évoluer l'action. Les péripéties traditionnelles sont: le quiproquo (méprise dans laquelle on prend une chose pour une autre ou un personnage pour un autre); le coup de théâtre( retournement de situation inattendu); la scène de reconnaissance ( dévoilement soudain de l'identité d'un personnage);  de confrontation (conflit entre deux personnage);  ou de séduction. 

- le dénouement ( la résolution des conflits et la situation finale).

2)  La représentation théâtrale

La représentation théâtrale est le spectacle conçu par le metteur en scène à partir du texte écrit par l'auteur.

* L'espace théâtral est le lieu où joue les acteurs.

Les salles de théâtre traditionnelles dites "à l'talienne" comporte plusieurs parties:

- la salle , où les acteurs jouent après le lever du rideau et les trois coups, qui marquent le debut de la représentation. Les sorties de scène se font côté jardin (à gauche, vu de la salle) ou côté cour(àdroite).

- les coulisses, réservées aux techniciens et aux loges des comédiens, au-dessus de la scène, les cintres permettent l'accrochages des décors.

- la salle , où les spectateurs s'installent à l'orchestre (ou parterre), au balcon, parfois dans les loges.

Les salles de théâtre modernes prennent souvent la forme d'un amphithéâtre: les spectateurs sont installés sur des gradins étagés descendant vers la scène.

 Le théâtre se joue aussi dans des lieux publics très variés ( rues ou places publiques, parvis d'églises, cafés) , et parfois même chez les particuliers.

*La scénographie concerne l'aspect visuel de la représentation. Les décors peuvent être réalistes , fantaisistes, symboliques, abstraits ou même absents si on préfère laisser jouer l'imagination du public.

Les costumes, les éclairages, les bruitages et la musique renforcent les impressions produites par les décors. Les accessoires ont une fonction utilitaire dans l'action (une épée pour se battre en duel..), ou symbolique ( un sceptre pour signifier le pouvoir).

* Le jeu des acteurs est réglé par le metteur en scène qui a auparavant déterminé la distribution, c'est-à-dire la répartition des rôles. Les acteurs disent les répliques de leur personnage, et suivent les indications du metteur en scène pour les déplacements sur la scène, les mimiques, les attitudes, la gestuelle.

Les comédiens professionnels sont des artistes qui peuvent faire partie d'une troupe permanente  ou être des intermittents.