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Interlude de littérature
27 avril 2022

Gouzel Iakhina, Zouleikha ouvre les yeux: Un roman d'éducation, braves parents !

zouleikha

 

Ce roman est un vrai chef d'oeuvre. C'est  une page de témoignage historique, c'est l'histoire d' un amour  délicat mais, aussi, un magistral roman d'apprentissage( ou d'éducation, de formation).

 

Topo sur le roman d'apprentissage

 

*Le récit initiatique est un récit qui raconte l'évolution d'un personnage vers la connaissance du monde et de lui même. Il montre le parcours d'un jeune qui va grandir, passer de l'adolescence à l'âge adulte, après avoir triomphé d'épreuves.

 

*Types de récits initiatiques:

-Le conte initiatique est un conte dans lequel le héros part naïf, crédule, affronte des obstacles afin de mûrir et de devenir adulte.

Ex de conte initiatique : Le vaillant petit tailleur des frères Grimm.

-le shonen manga

Ex Fruits Basket de Natsuki Takaya

-le roman d'apprentissage( de formation, d'éducation) est un récit où le personnage principal part à la conquête du monde et de luii-même. Il fait des rencontres et vit ses expériences. Petit à petit il trouve sa vocation qu'il doit développer. Ensuite il doit rompre avec l'univers clos de la famille et faire un voyage (géographique, intérieur et initiatique) où les rencontres (le maître, l'amour) sont vécues comme un enrichissement. Souvent le héros réfléchit sur le sens de son existence, mesure son parcours et à la fin il trouve sa juste place dans l'ordre du monde et de la société de son temps.

Ex Les années d'apprentissage de Wilhelm Meister, de Goethe

 

Zouleikha ouvre les yeux

Le héros de notre roman d'apprentissage est Youssouf, le fils de Zouleikha. Son histoire démarre avec le jour de sa conception. On le suit dans sa vie intra-uterine.  Pendant sa déportation, son voyage en train, sous la férule d'Ignatov, officier dans l'Armée Rouge, Zouleikha s'évanouit: elle apprend qu'elle est enceinte. Bien qu'elle ne mange pas à sa faim, son ventre grossit vite. Après six mois de voyage en train , les koulaks déportés dont Zouleikha arrivent en Sibérie.

Ils montent dans une péniche qui doit les conduire à la destination: le bord d'Angara, en pleine taïga vierge. Mais une tempête éclate , la péniche coule et Zouleikha est entrainée dans l'eau, plus bas, toujours plus bas. Alors le bébé se réveille brusquement, il bat des jambes. Les jambes de Zouleikha s'agitent en réponse: elle nage vers le haut.  Ignatov, nageant lui aussi, désespéré, dans les parages, la voit, l'attrape par les tresses et lui commande de se coucher sur le dos. Les vagues se calment, Le bateau de Kouznets, le supérieur d'Ignatov, arrive. Ils sont sauvés!

Seuls, une trentaine de déplacés arrivent, enfin, à la destination. Il faut construire trois huttes, s'occuper du feu, du repas. Soudain, Zouleikha est en douleurs. Wolf, le docteur, replié sur lui, enfermé dans un oeuf imaginaire, depuis la révolution d'octobre 1917,  l'entend.  Il sait qu'elle a besoin de lui. Inquiet pour elle, il retrouve sa lucidité. Il lave ses mains avec de l'alcool, entre sa main dans l'uterus , trouve les jambes du bébé et tire. Dans ses bras, le bébé hurle à gorge déployée!

Zouleikha avait tout oublié; seul comptait cette minute. "Son âme chantait de joie".

La nourriture manque et un jour Zouleikha quitte  le camp, sans autorisation, pour aller dans la forêt, cueillir des noisettes, des baies. Elle rencontre Ignatov, en train de chasser. Le bébé pleure et elle sort son sein pour le nourrir. Ignatov les regarde, il est ému par ce tableau.

Le printemps arrive et Kouznets revient avec une centaine de déplacés nouveaux, une dizaine de soldats et des ressources matérielles. Ils se mettent à construire un hôpital, une cantine, des locaux pour le commandant. Wolf s'installe à l'hôpital et Zouleikha aussi car Youssouf est malade.

Zouleikha va un jour cueillir des myrtilles avec son petit et dans les bosquets l'attend Ignatov. Il la désirait. Elle l'éconduit. Soudain un ours apparaît, elle prend l'arme  , tire, le tue et sauve son fils. Il commence à marcher ce jour-là. Ignatov connaît la souffrance de l'amour et se met à boire. Les morts dont le mari rebelle de Zouleikha qu'il avait tué , lui apparaissent en rêves.

Les années passent. Depuis sept ans maintenant Zouleikha fait partie de l'équipe des chasseurs de Simrouk, leur village. "Au printemps, en été, elle ramène de la taïga des tétras gras, des oies bien lourdes, aux cous épais et souples. Plusieurs fois elle avait eu la chance d'abattre des chevreuils et une fois un cerf. Elle prend des lièvres au lacet, les renards dans des kapkans." Elle ne s'occupe des bêtes à fourrure -écureuil, vison, zibeline- qu'à la fin de l'automne, quand les bêtes font leur fourrure d'hiver.

Elle rentre de la taïga avant la nuit, avant le dîner, et se dirige droit vers l'hôpital, pour briquer, gratter, nettoyer, frotter, faire bouillir... Elle avait aussi appris à mettre des bandages, à nettoyer les plaies, et même à faire des piqûres. Elle porte aussi les repas au commandant Ignatov. Il la reçoit, les yeux baissés et elle le comprend,  car quand elle le regardait ,son coeur et ses entrailles semblaient fondre.

Elle habite toujours, avec son fils à l'hôpital et paie sa chance de vivre dans une petite chambre confortable, en travaillant chaque jour jusqu'à l'épuisement. Youssouf n' a que 8 ans  mais il aide sa mère: il cherche de l'eau de l'Angara, brûle les déchets dans la cour..Il est grand, a des cheveux ébouriffés, un petit nez pointu, des yeux immenses. Depuis quelque temps il se rend régulièrement au club, pour dessiner avec le peintre Ikonnikov. Il rapporte à la maison des morceaux de contreplaqué parcourus de traits au charbon, des bouts de papier couverts de lignes de crayon gras. Ses doigts sont tachés de jaune et de bleu, ses habits couverts d'enduit et de gouttes de peinture.

Zouleikha lui a déjà raconté  tous les contes et légendes qu'elle avait elle même entendus de ses parents, dans son enfance. Mais l'histoire de l'oiseau Simroug est la préférée de Youssouf. Alors elle la lui raconte "la mille et unième fois"  et lui, pose des questions.

" Il était une fois un oiseau magique. Les Perses l'appelait Simourgh, les Kazakhs Samouryk et les Tatares : Simroug. Cet oiseau vivait au sommet de la plus haute montagne. Personne ne pouvait le voir. On savait seulement que ses plumes étaient plus belles que toutes les aubes et tous les crépuscules réunis.

Un jour , alors qu'il survolait le lointain pays de Chine, le Simroug avait fait tomber une unique plume et toute la Chine s'était mise à briller, et les Chinois étaient devenus des peintres merveilleux.

Le Simroug n'était pas seulement extraordinairement beau; sa sagesse était aussi infinie que l'océan.

Un jour, tous les oiseaux de la terre se réunirent sur un même thuya, pour partager leur alégresse et leur joie de vivre. Mais la fête fut gâchée; les perroquets se disputèrent avec les pies, les paons avec les corbeaux, les rossignols avec les aigles...

Cette dispute immense fit un tel vacarme dans le monde entier, que toutes les feuilles tombèrent des arbres, et les bêtes , effrayées, coururent se cacher dans leurs terriers. La huppe pleine de sagesse battit des ailes pendant trois jours avant de parvenir à calmer les oiseaux déchaînés.  Elle leur dit qu'il ne devraient pas perdre leur temps et leurs forces en querelles et en discordes et qu'il fallait choisir un roi qui les gouvernerait, sagement. La huppe proposa de voler jusqu'à Simroug et de lui demander d'être leur roi. Qui d'autre que lui, le plus beau et le plus sage d'entre tous, pourrait devenir leur guide?

Ces paroles plurent aux oiseaux et un groupe de volontaires partit à la recherche du brillant Simroug. Les oiseaux volèrent jour et nuit, sans même s'arrêter pour dormir ou manger, et, à bout de forces, parvinrent au pied de la montagne si ardemment désirée.Ils devaient aller désormais à pied: on ne pouvait monter au sommet qu'en acceptant les souffrances.

Au début, le chemin de montagne les amena à la  *vallée des Quêtes , où périrent les oiseaux dont l'aspiration à parvenir au sommet n'était pas assez forte.

Puis ils traversèrent la * vallée de l'Amour, où s'effondrèrent les oiseaux qui souffraient d'un amour non partagé.

Dans la *vallée de la Connaissance, tombèrent ceux dont l'esprit n'était pas curieux, et dont le coeur n'était pas ouvert à la nouveauté.

Dans la perfide *vallée de l'Indifférence, mourut la plus grande quantité d'oiseaux, tous ceux qui n'avaient pas été capables d'accepter également dans leur coeur la tristesse et la joie, l'amour et la haine, les ennemis et les amis, les vivants et les morts. ( Zouleikha se demandait comment peut-on réagir de la même façon au bon et au mauvais?)

Les survivants se rétrouvèrent dans la *vallée de l'Unité, où chacun se sent faire partie de tout, et tous, de chacun. Les oiseaux se réjouirent en goûtant à la joie de l'unité. Mais trop tôt!

Dans la *vallée de la Confusion, traversée par les orages, le jour et la nuit, la réalité et le rêve se mêlaient. Tout le savoir que les oiseaux avaient acquis avec tant de peine lors de leur voyage fut balayé par un ouragan, et leurs âmes furent envahies par le vide et le désespoir. Seuls trente d'entre eux, les plus endurants, survécurent.

Très fatigués  ils atteignirent la dernière  vallée celle du * Renoncement , silencieuse.  Au-delà commençait le  *pays de l'Eternité, où les vivants ne peuvent pas entrer.

Et les oiseaux surent qu'ils étaient arrivés au palais de Simroug, et en sentant la joie grandir dans leurs coeurs, ils surent que Simroug approchait. Leurs yeux se fermèrent face à la lumière éclatante qui emplissait le monde, et quand ils les rouvrirent,  ils ne virent qu'eux-mêmes. Ils comprirent alors l'essence de ce monde: tous, ils étaient Simroug. Chaque oiseau séparément , et tous ensemble!"

Il me semble que ce conte trace le chemin d' une quête de  la sagesse; le chemin mène à la lumière qui est en chacun. Il y a des gens qui commencent une quête spirituelle mais meurent sans la réaliser,  faute de volonté; d'autres qui n'ont pas compris que l'amour c'est donner, sans attendre rien en retour; d'autres qui ne peuvent pas agir pareillement à l'amour et à la haine, au bon et au mauvais, aimer autant l'ami et l'ennemi, son prochain; d'autres encore que toute petite épreuve de vie  désespère, bien que l'épreuve soit une leçon de vie pour évoluer. Et puis gloire à ceux qui ont pu renoncer aux désirs inutiles afin de vivre simplement, et en paix absolue.

 

Le monde de Youssouf est grand: l'hôpital, les baraquements, la cuisine, l' isba du commandant, le club du peintre (Ikonnikov). L'enfant préfère le club. Il porte les repas au peintre et puis reste pour l'aider à laver ses pinceaux. Un jour Ikonnikov se mit à peindre pour Youssouf des jouets, des fruits, des  légumes, des habits, des chaussures, des objets de vie, des animaux. La nuit le petit rêvait de chats, de girafes, de phoques, de tigres. Il se mit à peindre lui aussi.

Isabella, une bourgeoise, déportée, est le professeur de Youssouf. Elle lui apprend à poser des questions et à répondre: "Quelle date sommes- nous aujourd'hui? Qu'est-ce que tu dessines? Elle lui apprend aussi le français. Elle lui écrit  des mots, des proverbes: "Partir c'est mourir un peu"; Pour atteindre son but, il ne faut qu'aller".  Isabella prononce toujours si tranquillement, si nettement les nouveaux mots qu'ils se gravent sur le champ dans la mémoire de Youssouf.

Bientôt Wolf eut l'impression que Youssouf s'intéressait à la médecine. Il devint un visiteur assidu de la salle de consultation, et observait. Le docteur consultait jour et nuit. Wolf lui expliqua les os. Youssouf les apprit par coeur. Puis il apprit les muscles et puis son intérêt pour la médecine s'évanouit.

Youssouf fait aussi l'expérience de la mort. Un soir il attendait sa mère dans la forêt, alors qu'elle lui avait interdit ce lieu dangereux. Il se vit entouré de loups, il monta dans un arbre. Il y attendit très longtemps ; quand sa mère le trouva et tua les loups, il se mit à délirer. Après quatre jours il retrouva la vie.

En 1942 les koulaks déportés peuvent aller défendre leur pays. Youssouf a 12 ans et vend du pain à la boulangerie. Il étudie bien à l'école, il porte le foulard rouge de pionnier. A la maison il sait tout faire, il va au club quand il est  libre. Il envisage d' entrer dans la brigade des peintres à 16 ans. Le peintre, Ikonnikov le considérait comme son fils. Un jour Ikonnikov décide de partir à la guerre et laisse tout à Youssouf.

Le temps passe. Youssouf a 16 ans et travaille dans la brigade des peintres. Il peint des champs, des  bûcherons, des activités de front kolkhosien, des pionniers; le soir il peint pour lui.

Il est presque un adulte.Il aurait voulu parler à sa mère, lui poser des questions, recevoir des réponses, contester, débattre, attaquer, se défendre, se disputer. Mais elle était silencieuse.

Youssouf aidait Loukka le pêcheur à réparer sa barque, l'accompagnait à la pêche et puis dessinait la rivière.. Loukka lui avait dit que lorsqu'il serait mort, cette barque lui appartiendrait. Loukka meurt et Youssouf cache la barque car il préparait son évasion. Les évadés étaient souvent pris et punis. Youssouf savait qu'il ne serait pas pris; il irait à Leningrad à l'Institut de peinture Répine. Il savait qu'il serait reçu à l'examen. Il avait une lettre de recommandation d'un déporté Konstantin et une autre lettre où il y avait juste un dessin: la Tour Eiffel. Il avait caché ces lettres mais sa mère les trouva et comprit son plan. Elle pleura longtemps et puis elle se calma. Elle ne pouvait pas retenir son fils. Il devait faire sa vie.

Elle alla voir Ignatov pour lui demander de l'aide. Il brûla son ancien acte de naissance et lui en donna un neuf où il marqua: Iossif Ignatov, né en 1930 Mère Zouleikha, père Ignatov, soldat de l'Armée Rouge. Il lui donna aussi beaucoup de billets froissés. Zouleikha le conduisit à la barque et le regarda longtemps s'éloigner.Un peu plus loin, Ignatov l'attendait ému.

 

Voilà un beau modèle d'éducation. Youssouf est élevé au contact de la nature ( rivière, forêt, plantes, animaux, ..); sa mère lui raconte beaucoup de contes et de légendes et lui apprend à tout faire dans la maison, lui transmet le goût du travail.  Son conte préféré qui lui parle de ses problèmes est l'histoire de l'oiseau Simroug.; il bénéficie par chance d'un entourage intellectuel( peintre, médecin, professeur..) qui lui permettra de s'initier à la peinture, à la médecine, à l'art de parler et d'écrire et de découvrir finalement sa vocation artistique; il quitte le village pour aller faire des études d'art à Léningrad, grâce à l'aide d'Ignatov.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les romans d'apprentissages ont pour thème le cheminement d'un héros qui atteint progressivement, l'idéal d'homme accompli, en faisant ses expériences.

Le rapport du héros à son environnement déclenche son processus d'évolution et d'éducation. Dans cet environnement, le héros fait des expériences concrètes qui le font peu à peu grandir et mûrir. Le processus d'évolution le met au clair avec lui-même et avec le monde. Il y prend sa place, après avoir choisi un métier. Dans le processus d'évolution il y a des moments charnières qle héros s'arrête pour refléchir sur son passé.

 

 

 

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